Retour sur le webinaire « Ambiances architecturales et urbaines, environnement physique et lien social »

publié le 2 mars 2021

Dans la continuité du cycle de webinaires Santé et urbanisme, co-organisé par le Comité 21, l’ARS et la DREAL Pays de la Loire, a eu lieu le 26 janvier 2021 un échange consacré aux ambiances architecturales et urbaines, et à leur incidence sur l’environnement physique et le lien social. Pendant près de 2 heures, 4 intervenants se sont succédé pour présenter leurs travaux sur cette thématique. Entre l’approche théorique et expérimentale des universitaires et le témoignage de terrain d’acteurs associatifs, les interventions ont offert une bonne complémentarité.


Depuis l’Antiquité, le critère sanitaire a toujours été prépondérant dans l’implantation et le développement des villes. Aujourd’hui, ces dernières n’ont pas vocation à être déplacées, mais le climat, lui, bouge. Dès lors, comment traiter la vulnérabilité des villes face au réchauffement climatique ? En agissant sur l’espace urbain à travers un travail sur les ambiances architecturales et urbaines, a exposé Pascal Joanne, Maître de conférences à l’École nationale supérieure d’architecture (ENSA) de Nantes et membre du Centre de recherche nantais architectures urbanités (CRENAU), en ouverture du webinaire.

Des « dispositifs spatio-climatiques » pour se rafraîchir

Au terme de santé, l’universitaire préfère celui de bien-être, que des ambiances urbaines adéquates peuvent favoriser, tout en ayant à l’esprit qu’une ambiance ne se décrète pas, et qu’il est parfois difficile de la représenter ou d’en exprimer le ressenti. Pour étayer son propos, Pascal Joanne a présenté plusieurs outils cartographiques, par exemple deux cartes de Paris juxtaposées : l’une concernant la chaleur urbaine mesurée par quartiers et l’autre la présence d’espaces verts, les deux ne se recoupant pas forcément… Il a aussi invité à croiser différents paramètres environnementaux sur une même carte, comme l’ensoleillement et le vent avec l’exemple d’un travail cartographique mené à Nantes, dans le quartier Malakoff.

Pascal Joanne a enfin présenté CoolScapes, projet de recherche sur lequel il travaille, dédié aux espaces urbains climatisés. La climatisation est entendue ici, au-delà des systèmes d’air conditionné, comme un ensemble de techniques appelées « dispositifs spatio-climatiques » (canopées rafraîchissantes, miroirs d’eau, enveloppes climatisées…). CoolScapes a pour objectif l’étude de ces dispositifs spatio-climatiques dans leurs dimensions physiques, d’usages et sensibles. Toujours en cours, ce travail donne lieu à des mesures sur différents sites de la ville de Nantes : rideau d’eau sur la place Graslin, Quai des plantes, Jardin extraordinaire de la carrière Misery. Ces mesures s’effectuent avec un appareil mobile porté par un piéton, mais aussi en observant les usages et les comportements, pour ajouter des données qualitatives au quantitatif.

Vers une réappropriation citoyenne des éclairages nocturnes

Lui aussi membre du CRENAU, Nicolas Houel était le deuxième intervenant du webinaire. Docteur en urbanisme et aménagement de l’espace nocturne, il est revenu sur le rapport de l’homme à l’éclairage artificiel dans l’histoire. Tout a commencé à la préhistoire, avec la domestication du feu, qui a permis de créer artificiellement de la lumière alors que le soleil était couché. À l’époque, l’homme avait la capacité individuelle d’allumer ou d’éteindre ce feu et donc la liberté de choisir son ambiance nocturne. Nicolas Houel montre que, les siècles passant, les innovations technologiques (lanternes « bullseye » des policiers et lampes à arc « moonlight towers » au 19e siècle, lampe à incandescence au 20e siècle…) ont apporté aux habitants des villes une plus grande sécurité tout en les obligeant à subir la lumière nocturne, ce qui s’est traduit par une perte du droit individuel à l’obscurité.

Avec son concept de pédagogie de la sobriété lumineuse, le chercheur entend travailler avec les usagers pour les aider à réinvestir la notion d’ambiances urbaines nocturnes. Il s’agit donc d’un retour à la capacité individuelle à penser son besoin d’éclairage, l’obscurité n’étant aujourd’hui plus vue comme quelque chose de négatif. On parle d’ailleurs de pollution lumineuse quand les lumières trop vives gênent la préparation au sommeil. Ainsi, il est important d’expérimenter des lumières dites intelligentes, qui varient au cours de la nuit selon les usages (plus blanches en début de soirée, plus tamisées ensuite ou encore avec détecteur de passage). L’objectif est de sortir d’un schéma d’éclairage homogène sur l’ensemble de la ville et d’explorer l’expertise des usagers, pour comprendre leurs besoins réels.

Une ferme urbaine qui cultive le lien social

La prise en compte des besoins des usagers était aussi en centre de la dernière intervention du webinaire. Celle-ci concernait une ferme urbaine implantée en pied d’immeubles dans le quartier prioritaire de Bellevue (villes de Nantes et Saint-Herblain) et a été assurée par Marie-Hélène Nédélec, présidente de l’association Environnements solidaires, porteuse du projet, et Abdel Zibar, animateur et médiateur. Très enthousiaste sur cette initiative lancée il y a trois ans, Abdel Zibar est revenu en détail sur ses nombreuses retombées positives sur le quartier.

Étendue sur 4000 m2 et créée sur un espace à l’origine investi par toutes sortes de trafics, la ferme est constituée d’un poulailler, de carrés de potagers et d’une mini-serre. Aujourd’hui, elle est reconnue comme un espace de vie sociale par la CAF et les plus-values du projet sur la santé des habitants sont multiples. La ferme participe en effet à la diversité alimentaire, grâce à la culture de produits sains mais est surtout un espace de lien social essentiel, ouvert à tous, que les habitants se sont approprié. Ici, des personnes de générations et d’horizons culturels et sociaux variés se côtoient et veillent les unes sur les autres. C’est notamment le cas lors de périodes de canicule, mais également toute l’année (ateliers pédagogiques sur la nutrition, distribution d’invendus alimentaires pour les sans-abris…).

Située sur un terrain appartenant au bailleur social, la gestion du lieu est facilitée par un partenariat avec la ville et la métropole tout autant que par le fort investissement des habitants. Alors qu’en période de tension sociale, certains bâtiments du quartier ont pu être dégradés, la ferme, bien qu’ouverte 24/24 heures et 7/7 jours à tous, ne l’a jamais été. « Il y a une énorme bienveillance concernant cette ferme urbaine, résume Abdel Zibar. Les habitants se la sont vraiment appropriée, d’ailleurs, lorsqu’il a été question d’aménager l’espace, nous avons veillé à ce que cela ne se fasse pas de manière descendante : la conception de la ferme a été imaginée avec une école de designers en partenariat étroit avec les habitants ». Comme pour l’exemple de la pédagogie en faveur de la sobriété lumineuse , cette expérience montre l’importance d’associer les habitants à la création des ambiances urbaines, puisqu’ils seront les premiers concernés par leurs effets.

Vous retrouverez ci-dessous les présentations :


Traiter les vulnérabilités en ville au regard des ambiances architecturales et urbaines (format pdf - 3.9 Mo - 02/03/2021) - par Pascal Joanne, Maître de conférence ENSA Nantes - CRENAU



La pédagogie de la sobriété lumineuse, quand les usagers investissent la notion d’ambiance urbaine nocturne - par Nicolas Houel, docteur en urbanisme et aménagement de l’espace nocturne


Une ferme urbaine en pied d’immeubles qui recrée du lien entre les habitants : retour sur le projet de l’association Environnements solidaires - Par Marie-Hélène Nédélec, présidente de l’association et Abdel Zibar, animateur et médiateur (vidéo de présentation du projet)



Retrouvez les enregistrements vidéos des interventions ainsi que l’ensemble du webinaire :

- Première Intervention de Pascal Joanne

- Intervention de Nicolas Houel

- Intervention de Marie-Hélène Nédélec

- Intégralité du webinaire

Le programme complet des webinaires du cycle Santé et urbanisme est disponible sur le site du Comité 21.