Nanomatériaux : une sensibilisation essentielle à l’intention des entreprises

publié le 15 janvier 2020 (modifié le 20 janvier 2020)

Un colloque sur les nanomatériaux dans l’entreprise, organisé dans le cadre du PRSE3, a réuni plus de 120 personnes le 19 décembre dernier sur le campus nantais de l’IMT Atlantique. Un vrai succès, qui démontre que ce sujet, encore largement méconnu, intéresse les entreprises, tant pour leurs process opérationnels que pour les conditions de travail offertes à leurs collaborateurs.

« Invisibles et pourtant omniprésents, les nanomatériaux interrogent. Et dans l’entreprise ? » Manifestement, la question posée par les organisateurs du colloque — la Dreal et la Direccte des Pays de la Loire — est d’actualité. Dans la société, comme dans l’univers professionnel, les nanomatériaux soulèvent en effet de nombreuses interrogations sur leurs mécanismes d’action, ainsi que sur leur impact sur la santé et l’environnement. Le colloque était l’occasion d’un tour d’horizon en profondeur, croisant les approches : sociétale (voir encadré), réglementaire, métrologique…

Les nanos sont partout…

Les débats ont été ouverts par une description du « nanomonde ». Dans cet univers de l’infini petit – le nanomètre équivaut à un milliardième de mètre, soit 1/50 000 de l’épaisseur d’un cheveu humain ! —, les principaux procédés de fabrication des nanomatériaux ont été rappelés, ainsi que leurs nombreuses applications (traitement de surface, vecteur fluidifiant, adhésifs sans colle, matériaux autonettoyants ou à pénétration optimisée dans l’eau…). Les utilisations de ces nanos se démultiplient dans l’industrie mécanique, l’énergie solaire, le BTP, l’industrie agroalimentaire, la plasturgie, la cosmétologie… avec même des perspectives en matière de santé (neurologie, cancérologie…).

Les nanoparticules posent toutefois des questions non résolues en matière d’impact sur la santé de l’homme. Les données dont dispose aujourd’hui la science sont pauvres, avec une toxicité difficile à prédire et dépendant des substances en elles-mêmes et de leur forme nanométrique. Mais la recherche commence à mettre en évidence des risques de survenue d’effets inflammatoires, respiratoires, cardiovasculaires ou neurologiques liés à la pénétration des nanomatériaux dans l’organisme humain. Ce qui impose le principe de précaution.

… sans réglementation spécifique

Du côté réglementaire, il existe actuellement en France très peu de textes spécifiques « nano ».

L’information des consommateurs est toutefois obligatoire, et les denrées contenant l’additif E171 (dioxyde de titane, TiO2) ne peuvent plus être mises sur le marché à compter du 1er janvier 2020.

Pour l’environnement, la loi Grenelle a enclenché une dynamique forte de connaissance et de traçabilité. Ainsi, la France a été le premier pays à instaurer en 2013 une déclaration obligatoire des nanomatériaux. Tous les fabricants / importateurs doivent déclarer dans le registre national R-Nano les « substances à l’état nanoparticulaire » fabriquées, importées ou mises sur le marché français au-delà d’un certain seuil. Le ministère de la transition écologique et solidaire a élaboré un guide des meilleures techniques à envisager pour la mise en œuvre des substances à l’état nanoparticulaire. Véritable référentiel à destination des inspecteurs et exploitants d’installations classées pour la protection de l’environnement, il décrit les techniques utilisables et leurs performances/contraintes, dans une « approche proportionnée ».

Du côté de la protection des travailleurs, il n’existe pas non plus de « décret nano », mais on applique évidemment la réglementation sur les agents chimiques dangereux (évaluer, limiter, capter, protéger et informer). Dans le cas des substances CMR* sous forme nano, la réglementation CMR s’applique en toute logique. Enfin, le règlement européen REACH impose aux industriels à partir du 1er janvier 2020 l’intégration d’informations spécifiques aux nanoformes dans les dossiers d’enregistrement.

Bien évidemment, les démarches de prévention intégrent ces enjeux « nano », comme l’a expliqué Grégory Menec, ingénieur prévention de la Direccte. Il faut s’appliquer à limiter les expositions des travailleurs, notamment par la mise en place d’équipements de protection collective et individuelle efficaces.

Des besoins forts sur le terrain

Protection, métrologie, connaissance : la mobilisation est d’actualité. A également été présenté le dispositif national de surveillance EpiNano, lancé début 2014 par Santé Publique France (ex-Institut national de veille sanitaire). Il s’agit de recenser une population de travailleurs produisant ou manipulant des nanomatériaux, pour constituer une large cohorte dont l’évolution de l’état de santé sera suivie dans le temps, avec un objectif de surveillance épidémiologique. Des initiatives sont également prises en Pays de la Loire : à travers des actions de la Carsat, ou pour la veille au sein des entreprises par la médecine du travail (groupe de veille Objectif Nano, « nanoutil »…).

La mobilisation « nano » parait en effet urgente, notamment parce que les entreprises semblent en partie démunies. Les deux entreprises — SunChemical de Saint-Aignan de Grandlieu (44) et Jéhier-Hutchinson de Chemillé (49) —, venues témoigner au colloque de leurs problématiques, décrivent les difficultés qu’elles rencontrent sur le terrain. Le représentant de la première, œuvrant dans le secteur de la production d’encres, évoque la prise de conscience de l’entreprise concernant le risque nano. Il cite les actions mises en place, notamment le lancement d’une démarche d’étude, les efforts de protection renforcée des salariés, complétées par l’inscription des expositions dans le dossier médical des personnels. Cependant, il regrette que des incertitudes persistent quant à la suite des actions à mener, comme le choix de matériels et d’équipements de protection efficaces à adopter.

Le représentant de la seconde entreprise, exerçant dans le secteur de la fabrication aéronautique, fait état du même manque global d’informations et de la difficulté à interpréter les données tirées des mesures réalisées sur site. La prise en compte de la problématique « nano » a engendré une série d’actions dans l’entreprise. Peuvent être citées par exemple l’installation d’équipements de protection collective plus performants tels que des systèmes d’aspiration permettant de mettre un local en dépression constante. Ou l’information du personnel sur la bonne utilisation des équipements de protection individuelle — bien que le choix de ces équipements ne s’avère pas évident tant la connaissance des modes de diffusion des nanoparticules est encore embryonnaire.

*CMR : cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction

Nanomatériaux, nanoparticules : synthèse pédagogique de l’INRS

Définitions, applications et effets sur la santé, Direccte PdL (format pdf - 2.6 Mo - 15/01/2020)

La démarche de prévention appliquée aux nanomatériaux, Direccte PdL (format pdf - 1.3 Mo - 15/01/2020)

Retour d’expérience en métrologie "nano" , Cartsat PdL (format pdf - 687.1 ko - 15/01/2020)

Le dispositif EpiNano, Santé Publique France (format pdf - 1.1 Mo - 15/01/2020)

Réglementation : Environnement, Travail et Consommation (format pdf - 456.6 ko - 15/01/2020)

Accompagnement du Service de Santé au Travail de la Région Nantaise (format pdf - 295.7 ko - 20/01/2020)

Avicenn : pour la "nano" transparence

 
L’Association de veille et d’information civique sur les enjeux des nanosciences et des nanotechnologies (Avicenn) s’est imposée comme un acteur incontournable sur la vigilance nano en France. Avicenn participait au colloque du 19 décembre.
 
Parce qu’elle tient bon depuis 10 ans son cap d’indépendance face à tous les acteurs, l’association Avicenn représente une voix forte sur les nanos. Elle suit les progrès en métrologie, sait challenger la réticence de certains fabricants et la méconnaissance des autres, et dénonce « la prise en compte tardive de cette problématique par les autorités publiques ».
 
Son combat : la revendication d’une bonne information, c’est-à-dire adaptée aux publics concernés : professionnels et travailleurs, préventeurs, consommateurs, services de l’État, élus… Dans un contexte où les « nanos » sont partout (400 000 tonnes mises en marché chaque année en France) et provoquent de nombreux motifs d’inquiétudes, pour la santé et l’environnement, Avicenn déplore que la recherche dispose de moyens réduits en la matière.
 
La présentation d’Avicenn au colloque (format pdf - 3.6 Mo - 15/01/2020)