Anticiper les risques lors de la production d’eau potable : 3 démarches novatrices en Maine-et-Loire

publié le 11 mars 2019 (modifié le 2 juillet 2019)

Pour améliorer la sécurité sanitaire de l’alimentation en eau potable, les acteurs de l’eau des Pays de la Loire se saisissent d’une démarche développée par l’Organisation Mondiale de la Santé : les plans de gestion de la sécurité sanitaire dans le domaine de l’eau (PGSSE). Une expérimentation engagée d’abord dans le Maine et Loire.


Garantir en permanence une eau distribuée de qualité aux habitants constitue un enjeu majeur de santé publique. Plusieurs dispositifs sont déjà à l’œuvre : mesures de protection des captages d’eau potable, autorisation des dispositifs de traitement, contrôle de la qualité de l’eau distribuée…

Pour encore améliorer cette sécurité et outiller les responsables de la production et de la distribution de l’eau, les collectivités sont invitées à développer des plans de gestion de la sécurité sanitaire dans le domaine de l’eau, inspirés des démarches qualité ou d’évaluation et de gestion des risques. C’est une priorité du plan national santé environnement (PNSE3) et du plan régional (PRSE3).

Une approche globale de sécurité sanitaire

« Water safety plan » en anglais, la démarche PGSSE (pour plan de gestion de la sécurité sanitaire dans le domaine de l’eau) a été définie dès 2004 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Elle s’appuie sur une approche globale de sécurité sanitaire, basée sur les principes d’évaluation et de gestion des risques sur l’ensemble de la chaine de production et de distribution de l’eau destinée à la consommation humaine. 90 pays dans le monde l’ont déjà mise en œuvre de manière plus ou moins développée parmi lesquels l’Australie, l’Afrique du Sud et l’Angleterre.

La démarche relève de la responsabilité de la personne responsable de la production et de la distribution de l’eau (bien souvent la collectivité ou son délégataire), actuellement inscrit dans le Code de la santé publique, sur la base du volontariat. Cependant, La réglementation européenne reconnaît et promeut de manière plus prononcée la démarche depuis 2015, laquelle pourrait devenir obligatoire à terme.

Une démarche préventive

Il s’agit d’une démarche préventive basée sur l’évaluation et la gestion des risques : connaître – prévenir – anticiper – gérer.

Cette démarche d’amélioration continue s’inscrit nécessairement dans le temps. Menée à l’échelle d’une collectivité en charge de l’alimentation en eau, elle traite quatre enjeux :

  • évaluer à l’échelle d’une unité de distribution les dangers et risques susceptibles de l’affecter sur l’ensemble du système de production et de distribution d’eau (de la ressource en eau jusqu’à la distribution au consommateur),
  • identifier les améliorations techniques et organisationnelles nécessaires pour réduire voire éliminer ces risques,
  • s’assurer de l’efficacité des barrières mises en place,
  • mener de manière périodique des actions de suivi des mesures mises en place pour compléter le cas échéant le plan de sécurisation mis en place.

en grand format (nouvelle fenêtre)Cette démarche de gestion préventive - « en amont », - constitue une approche complémentaire du contrôle sanitaire de l’eau destinée à la consommation humaine. En effet, ce dernier s’assure que l’eau distribuée répond à des normes (contrôle du produit fini). Les PGSSE analysent et formulent des préconisations sur chaque étape du processus de production et de distribution de l’eau (démarche qualité d’amélioration continue).


en grand format (nouvelle fenêtre)Cette démarche porte à la fois sur la chaîne de traitement et sur l’organisation afférente. Elle fédère et intègre des travaux et actions déjà engagés comme les études patrimoniales, la sécurisation de la ressource et de l’eau distribuée.

Premiers déploiements en Maine-et-Loire

Nouvelle au niveau national, la démarche a d’abord été mise en place dans le Maine-et-Loire. Différentes actions y ont été menées pour faciliter son déploiement :

  • Production d’outils et de documents d’aide pour les collectivités :
    • cahiers des charges permettant aux collectivités de s’approprier la démarche si elles souhaitent la réaliser en interne ou pour consulter un prestataire extérieur (bureau d’étude) pour la conduire,
    • rédaction des éléments à introduire dans le cahier des charges de consultation pour une délégation de service public d’un service d’eau,
    • élaboration d’une grille d’identification des dangers et risque d’un système d’eau,
    • proposition d’une fiche de poste « responsable sécurité » à destination des collectivités…
  • Sensibilisation des collectivités :
    • présentation de la démarche aux collectivités en charge de l’eau,
    • accord avec l’Agence de l’eau pour l’articulation de la démarche PGSSE avec les études soutenues par l’agence, schéma directeur et études patrimoniales en particulier.

Concrètement, des premières démarches ont ainsi été lancées, avec 5 collectivités qui se sont engagées :

  • 3 démarches ont abouti à la définition d’un plan d’actions : SIAEP de Durtal, SIAEP de la région de Beaufort, SIAEP du Layon, correspondant à l’alimentation en eau de 32 000 habitants,
  • 2 collectivités ont entamé le travail, qui se poursuit en 2019 (correspondant à l’alimentation en eau de 400 000 habitants).

D’autres collectivités volontaires devraient s’engager, notamment en Loire-Atlantique, Mayenne et Sarthe dès 2019.

Le retour d’expérience des 3 premiers PGSSE

Ces trois premiers retours d’expérience confirment le bien-fondé et l’intérêt de la démarche. Il est important notamment de souligner que les collectivités ont adhéré de manière très positive à l’élaboration de ces plans de gestion de la sécurité sanitaire et qu’elles y ont trouvé un intérêt certain.
Les travaux conduits dans le Maine-et-Loire constituent ainsi un atout pour étendre la démarche dans la région à d’autres collectivités.

Une implication de la chaîne des acteurs
La condition de la réussite d’un PGSSE dépend du niveau d’implication de la collectivité. Il est indispensable de pouvoir s’appuyer sur une mobilisation de l’ensemble des acteurs en charge de la production d’eau : tant au niveau de la collectivité (élus, techniciens) que de l’exploitation si celle-ci est déléguée à un prestataire privé. Au niveau technique, ce sont tous les intervenants qui doivent être mobilisés : directeur technique, agent d’exploitation…

Chacun des 3 PGSSE réalisé a donné lieu à la production d’un document mettant en avant :

  • les dangers et risques identifiés constituant une menace à la production d’eau respectant à tout moment les exigences sanitaires tant en quantité qu’en qualité,
  • la nature des améliorations à apporter tant du point de vue technique qu’organisationnel,
  • l’évaluation économique des améliorations à apporter,
  • l’entité en charge de cette amélioration : collectivité ou exploitant,
  • le délai de sa mise en œuvre.

Des voies de progrès
L’élaboration de ces PGSSE a permis d’identifier un nombre important de voies de progrès, mais d’importance variable en termes de sécurisation sanitaire de la distribution d’eau : 35 à 60 améliorations ont été identifiées pour chacun des systèmes étudiés.

Parmi les points d’intérêt examinés par les PGSSE on peut citer quelques exemples :

  • En terme d’organisation :
    • les interventions entre les différentes personnes en charge de l’exploitation et la traçabilité de ces interventions,
    • la liste des abonnés sensibles,
    • les plans d’intervention des entreprises extérieures au service,
    • les conditions d’usage des poteaux d’incendie,
    • les conditions de respect des exigences définies par les périmètres de protection,
    • le plan d’alerte aux pollutions accidentelles en y associant notamment les services de secours (SDIS).
  • D’un point de vue technique :
    • la protection des réseaux vis-à-vis des risques de retours d’eau et d’usage des puits individuels,
    • la communication en situation de risque de pollution de l’eau distribuée,
    • la surveillance du bon état des forages,
    • les protections anti intrusion vis-à-vis des risques de malveillance,
    • la sécurisation de la production et de l’alimentation en eau potable en procédant à des tests en grandeur réelle des secours à l’alimentation,
    • l’alimentation électrique de certains équipements,
    • les filières de traitement sur certains aspects : analyseurs, pompes d’injection de réactif, pompes de secours sur des postes essentiels, alarmes et alertes à optimiser…
    • la sécurisation des passages vulnérables des réseaux de distribution (zones de marécage, traversées de routes et cours d’eau…),
    • le contrôle de revêtements d’ouvrages de stockage,
    • la maîtrise de la désinfection de l’eau dans les réseaux tout en minimisant la formation de sous-produits de désinfection considérés comme toxiques et à l’origine de mauvais gout à l’eau…